Spécialiste de l’import-export avec la Chine, Grégory Descheemaeker a profité de la crise sanitaire pour accélérer sur son projet Theiascope. Ce qui était initialement un projet personnel de « maker » pourrait bien faire pivoter définitivement l’activité de sa société SAPRODI.
Rencontre avec Grégory Descheemaeker, créateur du Theaiscope.
Quelle est l’origine du Theiascope ?
L’histoire démarre en décembre 2018. Mon père, alors atteint de la DMLA depuis plusieurs années, commençait à souffrir de sa déficience visuelle et de la perte d’autonomie qui en découlait.
Je décide alors de chercher dans le commerce des solutions électroniques pouvant lui apporter une aide. Ne trouvant rien localement qui convienne et étant spécialisé de l’import de produits chinois, j’entame une recherche de produits sur place, en Chine. Notons qu’à l’époque, loin de moi l’idée de développer un nouveau produit et encore moins de le commercialiser. Ne trouvant rien non plus en Asie, je décide de créer moi-même l’agrandisseur électronique dont mon père avait besoin.
Les premiers prototypes, testés directement par mon père, confortent l’idée de créer un produit… et même une activité nouvelle. Fort de cette première réussite, je me dis que Theiascope pourrait aussi aider d’autres personnes, nous sommes alors en avril 2019.
Quelle fût la démarche et quelles sont les caractéristiques du Theiascope ?
Les solutions déjà présentes sur le marché sont souvent trop compliquées, trop chères et stigmatisantes. Je décide alors de revoir le besoin à la base, un appareil simple d’utilisation, financièrement abordable, non discriminant. Initialement j’étais aussi resté dans ma zone de confort, chercher une usine chinoise capable de fabriquer ; ou à défaut, faire toute l’injection plastique en Chine afin de réduire les coûts. L’appareil prend forme, l’électronique mise au point, je me suis déjà bien appuyé sur l’impression 3D pour réaliser mes échantillons (mais c’était plutôt en mode « maker »)… nous sommes en mars 2020 et la crise sanitaire pointe son nez. Dans mon activité d’origine je suis confronté de plein fouet aux problématiques d’approvisionnement liées au COVID… les usines ne travaillaient plus, les bateaux ne partaient plus…
Comme disent mes amis chinois, « dans chaque crise il y a une opportunité » – la mienne a été d’abandonner l’idée d’une fabrication chinoise et de me tourner pleinement vers l’impression 3D. J’avais déjà fait appel à des sous-traitants pour l’impression 3D par le passé, mais la taille de certaines de mes pièces et leur multitude faisait exploser les budgets… Je décide alors d’investir dans plusieurs imprimantes.
Quel est l’apport de l’impression 3D pour le Theiascope ?
L’avantage initial de l’impression 3D est de pouvoir travailler en flux tendus, pas besoin d’investir plusieurs dizaines de milliers d’euros dans des moules d’injections condamnés à ne plus évoluer ; pas besoin non plus de commander à mon industriel chinois l’équivalent de 5000 appareils d’un coup. Et puis, soyons fous, puisque le production est maintenant internalisée, rendons le produit « personnalisable » ! C’est sur ce dernier point que l’impression 3D s’est définitivement imposée comme la solution adhoc. Nous proposons une large gamme de coloris, nous ajoutons des personnalisations (le dernier né de la gamme s’adresse aux juniors, il offre la possibilité à l’enfant d’ajouter à sa liseuse ses briques de constructions préférées > voir la galerie photos ci-dessous).
Autre avantage, mais pas des moindres, le produit n’est pas figé. Je peux faire évoluer Theiascope en permanence afin d’optimiser à la fois la production et l’utilisation de produit.
L’impression 3D offre aussi à mon sens plus de flexibilité technique dans le design. Quand je me suis penché sur l’injection, je me suis rendu compte que je devais adapter mon design aux contraintes industrielles. Si ce constat est aussi vrai avec l’impression 3D, les contraintes sont moindres – il n’y a pas de démoulage ce qui permet l’impression de certaines pièces en un seul bloc.
Comment avez-vous intégré l’impression 3D ?
J’ai découvert l’impression 3D à titre personnel, d’abord par simple curiosité. Puis, j’ai commencé à imprimer des petites pièces pour réparer l’électroménager domestique; c’est aussi là que je me suis lancé dans le dessin 3D. Puis, dès le début du projet Theiascope, mon imprimante m’a servi à réaliser mes premiers prototypes. J’ai énormément appris sur ces premières années : les techniques d’impression, les différents polymères et leurs performances/résistances, les contraintes techniques, comment optimiser son dessin en vue d’une impression…
Quel est le modèle économique et le mode de distribution ?
Nous avons aujourd’hui 4 canaux de ventes :
- Nos revendeurs (comme Tous Ergo)
- La vente directe au particuliers, par visite d’agents commerciaux – nous nous appuyons sur une réseau de prescripteurs professionnels (ophtalmologistes, opticiens, aides à domiciles, médecins de famille, orthoptistes, etc.) puis les clients nous appellent, nos agents se déplacent à leur domicile, présentent et installent Theiascope pour eux.
- La vente directe par internet sur notre site theiascope.fr
- Le B2B pour l’adaptation des postes de travail
Nous communiquons via la presse et les réseaux sociaux. Nous commençons à avoir une bonne visibilité et les demandes affluent déjà de toute la France. Le prix de Theiascope débute à 990€ TTC, ce qui est 3 à 5 fois moins cher que les solutions techniques existantes sur le marché.
Que signifie le label « Social3 » et quel est le rapport avec Theiascope ?
Pendant la phase de développement de Theiascope, je me suis dit que de proposer un produit abordable à des populations en situation de handicap était une bonne chose, néanmoins, j’avais aussi envie d’aller plus loin pour rendre ce projet encore plus significatif. Sans pour autant perdre de vue, que je suis entrepreneur, que j’ai une société à faire tourner, et que je compte embaucher, bref je dois tout de même gagner de l’argent. Très vite l’idée d’un « engagement » est née par l’intermédiaire du label Social3, initialement créé par ma société SAPRODI, puis finalement cédé à l’association Dunkerquoise Ideattec qui a vocation à faire grandir le label en y faisant adhérer d’autres entreprises.
Social3 c’est un projet triplement social :
- Des produits ou des services abordables à destination des personnes vulnérables, en situation de handicap ou en réinsertion.
- Une production made in France, et tant que ce peut, par l’intermédiaire d’ateliers protégés – une fois que Theiascope aura atteint sa vitesse de croisière, nous envisageons la sous-traitance de l’assemblage au sein d’un de ces ateliers.
- Une partie du prix de chaque appareil est reversée à une association d’aides aux personnes en situation de handicap ou en réinsertion – Dans le cas de Theiascope, la quote-part est de 8,50 € par appareil.
Quelles sont les prochaines étapes de développement ? d’autres technologies impression 3D sont-elles envisageables ?
L’écosystème Theiascope est amené à s’enrichir continuellement, nous proposons aujourd’hui notre liseuse et une paillasse de lecture pour l’accompagner. Fin mars 2021 est née une version dédiée aux enfants (évoquée ci-dessus). Nous travaillons déjà sur deux autres versions un peu plus élaborées, l’une à destination spécifique des actifs, l’autre pour des salles de classe. Nous envisageons bien entendu de structurer l’équipe dans les prochains mois. Nous aurons des besoins en :
- Production
- Administratif
- Ingénierie / R&D
- Commerce
- Communication
Aujourd’hui, nous imprimons avec des machines de type FDM, c’est-à-dire filaments, et avons fait le choix de PTEG pour sa facilité d’impression et sa robustesse. Nous regardons de près les progrès des imprimantes SLA (résine) et des imprimantes multi-matériaux. Nous avons fait le choix de constituer notre parc non pas avec des grosses machines industrielles nécessitant des investissement coûteux, mais de jouer la carte de la flexibilité. Nos 6 machines sont donc de « bonnes » machines grand public, un petit parc machines qui devrait s’étoffer d’une quinzaine d’autres d’ici fin 2021. Moins onéreuses, nous pouvons aussi en avoir davantage et donc la capacité à augmenter nos cadences, diversifier nos pièces et nos coloris, limiter les pannes.
Nous envisageons aussi de développer cette années d’autres produits (hors de l’écosystème Theiascope) et avons déjà des demandes de clients pour faire de l’impression 3D à la demande sur des petites et moyennes séries.
Merci à Grégory Descheemaeker pour cette interview !
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