L’IMPRESSION 3D ET LE DROIT D’AUTEUR : DES MENACES A PREVENIR, DES OPPORTUNITES A SAISIR
Rapport de la Commission de réflexion sur l’impression 3D du CONSEIL SUPERIEUR DE LA PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE (juin 2016)
Eléments de synthèse
La démocratisation de l’impression 3D ne paraît pas, à ce jour, engendrer de problème massif de violation du droit d’auteur, objet du présent rapport. Les clients des espaces fablabs comme des services d’impression en ligne sont en grande majorité des professionnels, notamment des designers, qui ont recours à cette technique pour la production d’objets en série limitée, dans le cadre de leur activité de création. Sur les plates-formes d’échange de fichiers 3D, la part de ceux qui reproduisent une oeuvre protégée par le droit d’auteur est faible. Le risque de contrefaçon pèse principalement sur les oeuvres d’art plastique.
En outre, l’application des principes du droit commun de la propriété littéraire et artistique permet d’ores et déjà, en principe, de sanctionner la contrefaçon par impression 3D : la numérisation en 3D d’une oeuvre, comme son impression ou encore la mise en ligne et le téléchargement de fichiers représentant une oeuvre protégée, constituent tous des actes de reproduction ou de représentation qui requièrent en principe l’autorisation de l’auteur. Les exceptions au droit exclusif de l’auteur sont toutefois susceptibles de s’appliquer, notamment l’exception pour copie privée lorsqu’un particulier réalise une impression sur son matériel propre à des fins privées, depuis une source licite. En revanche, en l’état de la jurisprudence française, cette exception ne paraît pas applicable au particulier qui réalise une impression sur une machine appartenant à un tiers, comme un fablab ou un service d’impression à distance. Enfin, en toute hypothèse, le droit moral de l’auteur demeure toujours applicable et fait notamment obstacle à ce que l’oeuvre soit altérée, soit par modification du fichier 3D, soit même du fait de l’insuffisante qualité de l’impression.
A court et moyen termes, le principal enjeu est de renforcer l’implication des intermédiaires professionnels en matière de respect du droit d’auteur. C’est d’abord le cas des plateformes d’échange de fichiers 3D en ligne, qui estiment bénéficier du statut d’hébergeur issu de la directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique, qui limite leur responsabilité, alors même que, au moins lorsqu’elles jouent un rôle actif qui leur confère une connaissance ou un contrôle des fichiers stockés, elles ne peuvent plus en bénéficier. La frontière étant ténue, il est nécessaire de clarifier l’état du droit en la matière, en s’inspirant des préconisations du rapport du CSPLA remis en novembre dernier sur l’articulation des directives sur le commerce électronique et sur le droit d’auteur. C’est également le cas des services et logiciels de numérisation 3D ainsi que des prestataires d’impression 3D, qui devraient prévoir l’affichage systématique d’un appel pédagogique au respect la propriété intellectuelle et inclure dans les fichiers 3D créés des éléments permettant leur traçabilité.
Le ministère de la culture et le ministère de l’industrie, par exemple dans le cadre du Comité national anti-contrefaçon (CNAC), pourraient aussi inciter les titulaires de droits, tant dans le domaine de la propriété littéraire et artistique que dans celui de la propriété industrielle, à collaborer avec les laboratoires et fabricants compétents en vue d’élaborer des mesures techniques de protection de ces droits sur les scanners et imprimantes 3D, permettant à terme de limiter la contrefaçon d’oeuvres et plus généralement d’objets protégés.
Il est également indispensable, pour prévenir efficacement la contrefaçon, qu’une offre légale d’impression 3D se développe, afin que le particulier qui souhaite réaliser une impression d’une oeuvre puisse y parvenir sans enfreindre la loi et en assurant une juste rémunération de l’auteur. Il serait utile dans cette perspective que les sociétés de gestion de droits se rapprochent des plates-formes d’échange de fichiers et parviennent à obtenir que les conditions d’utilisation des fichiers préservent les droits et les intérêts des auteurs.
Enfin, si la mission estime qu’une intervention législative est prématurée à ce stade, il convient de rester vigilant : de nouvelles évolutions technologiques ou des modèles économiques innovants permettront certainement, dans quelques années, tant aux professionnels qu’aux particuliers, d’effectuer facilement et à prix raisonnable des copies en 3D de bonne qualité d’oeuvres protégées, principalement dans le domaine des arts plastiques, ou de réaliser des moules facilitant la production de contrefaçons.
Ainsi, si les copies réalisées par les particuliers sans autorisation des auteurs devaient, à long terme, engendrer un préjudice significatif pour ceux-ci, il faudrait prévoir une compensation équitable en leur faveur, soit dans le cadre de la rémunération pour copie privée, soit dans celui d’une redevance pour reprographie, en s’inspirant des pratiques d’autres pays européens en matière d’imprimantes classiques.
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